L'heure de la confession
Comme la plupart des jeunes québécois de ma génération (les sixties), mon éducation a été hyper colorée par la religiosité de l’enseignement délivré par l’établissement que je fréquentais à l’époque, un petit couvent mixte pour
jeunes âmes en herbe!
Dès la première journée de classe, Sœur Immelda sera chargée de nous dicter (le mot est peu dire!) des leçons de français, de nous apprendre l’arithmétique et, surtout, ô bonne grâce, de convertir nos viles esprits vers la voix du salut, dieu le père… Saint-Esprit. J’apprends vite, très vite l’ensemble de la matière prescrit au programme. Voilà qui est bien!
Toutefois, il y a un bogue sérieux : je n’ai pas ce gène héréditaire tant indispensable, la foi religieuse. Hélas, car pénibles deviendront vite les leçons quotidiennes de catéchisme qui auront tôt fait de ternir sérieusement mon joyeux train-train de jeune fille en fleurs! Voilà qui est… moins bien, disons!
On a beau me répéter les mêmes sornettes à propos de l’histoire de Jésus. Marie et Joseph, rien n’y fait! Je n’y comprends rien à cette famille qui n’a pour moi d’intéressants que les images sur lesquels on les retrouve et la beauté de leur histoire. « C’est au moins çà », diront mes parents souvent troublés par la bravoure de mes pitreries à l’école qu’ils considèreront déjà trop nombreuses à leur goût.
Mais il y a pire, je suis une jeune fille« d’esprit », une première de classe qui rêve de faire carrière et de conquérir la « grande ville » qui m’attendpour de longues études! D’ici là, les autorités cléricales se tuent à l’ouvrage et triment fort pour tenir « tranquille » cette folle visionnaire que je présente et qui, par ses incessantes questions, sèmera parfois la zizanie en classe... N’empêche que j’ai, pour le moins, trouvé ma voie de salut dans les études universitaires!
Arrive donc la deuxième année d’école, j’ai sept ans à peine et je dois, du haut de mes quatre pieds, me soumettre au régime familial pour ne pas nuire à ma bonne cause. Or, il s’agit là de l’année ultime de la grande cérémonie religieuse : la « première communion ». Les préparatifs vont bon train et durent des mois. Que de messes à l’église rurale d’à côté!
Histoire de m’occuper au cours des cérémonies à venir et de m’empêcher de faire des « âneries », on dirige vertement mes talents vers la chorale de la classe, sans discussion! Le son de l’orgue accuse depuis des lustres un son plus que médiocre, mais le tout est largement compensé par l’ardeur qu’y donnent les choristes à vouloir impressionner les pauvres clients captifs. Ces pieuses « brebis » devaient demeurer là à nous écouter "comme des moutons", c’était le cas de le dire! Et ces derniers ne bénéficiaient même pas du privilège de pouvoir au moins s’épivarder en haut de jubé et d’échapper aux regards accusateurs des « servantes religieuses » à propos d’actions hautement incriminables. Passons!
La veille du grand jour, ma mère se charge donc personnellement de parfaire ma coiffure afin de me faire belle pour le grand évènement, et ce, sans consultation préalable. Mes cheveux fins sont donc méticuleusement enroulés autour d’horribles bigoudis qui me feront damner toute la nuit durant. J’aurais dû « normalement » contester ce régime matriarcal me direz-vous… mais j’étais hautement tenté par l’essai de ce nouveau gel fixatif annoncé en grande pompe au petit écran : le Di-Pi-Di-Dou! Ah… curiosité oblige!
Le jour « J » arrive enfin! On assiste d’abord à la grande bataille pour délivrer mes délicats cheveux de ces éléments de torture auprès desquels ceux-ci sont demeurés en vain collés. Pas drôle du tout! C’est donc après une centaine de cheveux en moins et quelques frisettes en plus que je me présente pour la photographie d’usage qui immortalisera l’évènement. Vêtue de mon « costume d’école » exemplaire, comme toujours, ma mère installe tant bien que mal une couronne sur mon crâne endolori. Celle-ci maintiendra donc gracieusement (!) en place un joli voile que je devrai porter pendant plusieurs heures. Ayoye!
Pour l’heureux évènement, ma marraine m’avait généreusement offert une robe en guise de cadeau, laquelle, du reste, n’a semblé plaire qu’aux adultes! De couleur orange fluo, celle-ci était confectionnée dans un banal tissu 100 % synthétique qui ressemblait vaguement à une feuille de styromousse : un loupage complet. Heureusement, l’appareil photographique de ma mère n’offrait que des clichés en noir et blanc, de faible résolution, qui ne permettent pas de dévoiler tout l’horreur de la chose et l’éclat presque « halloweenesque » de l’affaire! Ouf!
Une fois traversée l’épreuve ultime, un repas familial devait enfin sonner l’heure de la fête. Libérée de mon déguisement, j’étrennais fièrement une courte robe nouvellement confectionnée par ma mère, et ce, dans un tissu de coton qui devait sans doute rivaliser avec le bouquet de fleurs de plastique qui trônait dans sa chambre à coucher. Au bas de l’élégante robe, on y retrouvait un galon avec jolis glands servant de « bordure décorative ». À cette époque, on retrouvait ce même type de passementerie comme pourtour des grands chapeaux mexicains ou comme "grelots" de décoration dans les fenêtres d'automobile du temps folklorique du peace and love... Je suis sérieuse, là! Vous voyez le genre?
Ainsi, j’avais de loufoque autant l’allure que le verbe, le tableau était donc complet. Poursuivons.
Nous étions jeunes cousins et cousines à s’amuser bruyamment, comme toujours, non loin des parents impassibles qui ne semblaient avoir d’émotions et d’attraits que pour les jeux de cartes… Avec la bénédiction de ma mère, nous jouions donc allègrement avec les bâtons de feux d’artifices retirés rapidement du gâteau de fête. Et là, le grand drame! Ta-dam!
Mais je ne vous livre pas tout de suite la fin de cette histoire, là! Non, non… plutôt, j’attendrai que dix personnes d’entre vous sollicitent la conclusion, afin de finaliser le trépidant chapitre.
Le 28 janvier dernier, je vous racontais les péripéties entourant les préparatifs de ma première communion religieuse. Or, je vous laissais en plan, et ce, sans vous raconter la finale de cette journée mémorable de jeune couventine.
Je m'exécute donc aujourd'hui avec la foi de vous distraire à nouveau... et persuadée que vous attendiez tous religieusement la suite de cette passionnante histoire. Poursuivons!
Voilà, à l'heure du dessert, je m'amusais donc avec les cousins et les cousines, mes grands complices. Nous jouions avec les bâtons de feux d'artifices directement tirés du gâteau de fête. Ceci avait le don de nous exciter à chaque fois: c'était le party dans la cambuse!
On gigotait des bras, des pieds... et, comme toujours, on criait surtout! On se menaçait amicalement avec les bâtons qui pétillaient, tout feu, toute flamme. Or, un simple petit tison avait suffit pour mettre le feu à ma "jolie" robe fleurie confectionnée par ma couturière de mère qui, à mon avis, faisait plutôt dans les rideaux!
Disons que la flamme au bas de ma robe semblait à priori peu menaçante voire banale... Mais le feu s'est amplifié à une vitesse vertigineuse, faisant de ma "bordure de grelots" au bas de la robe l'objet de sa convoitise. J'avais ainsi le "feu au cul", dans tous les sens du terme!
Pendait que je tentais vainement d'ouvrir la fermeture éclair et de me libérer de mon attirail de nouvelle communiante, mon grand frère s'est vite empressé de m'abattre (c'était le cas de le dire!) sur la tête une lourde couverture qui traînait dans les parages. Bien qu'il est presque réussit à m'assommer, l'air ainsi provoqué avait finalement attisé davantage le "feu de joie". Choquée, "v'là que le torchon" brûlait maintenant entre moi et mon frère que je soupçonnais vouloir profiter de ma gênante situation pour me faire payer d'anciens litiges!
Je me tortillais plus que jamais de douleur et afin de mettre un terme à cette banale "danse du feu", je décidai d'enlever ma robe, en désespoir de cause. C'est donc vêtue d'un simple caleçon que le jubilaire de la journée se retrouva à nouveau la reine de l'évènement, devant l'assistance en délire. Plus de peur que de mal quoi!
Ma pauvre mère clamait tout haut sa grande déception de voir son oeuvre ainsi détruite... et moi, de voir mon ego en prendre en coup!
Mon ange gardien a par la suite veillé à ce que je ne revive plus de tels exploits dignes de Sainte Jeanne d'Arc. C'en était sans doute trop pour une humble âme comme la mienne, je le suppose.